Chef monteuse
Un réalisateur parle peu du chef monteur avec lequel il est resté enfermé des mois à fabriquer un film. Comme d’autres techniciens du cinéma, le chef monteur doit se trouver dans l’inspiration d’un réalisateur pour œuvrer dans l’ombre à la construction d’un film. Pour cela, il utilise sa sensibilité, son savoir-faire et son instinct.
Après un BTS audiovisuel en 1998, Céline Kélépikis obtient une bourse Léonardo*1 et réalise un stage de six mois dans les laboratoires de Madrid films. Manuelle, elle se forme au moment où le cinéma négocie son passage au numérique et ressent une certaine frustration qui se transformera en plaisir avec l’expérience. Du découpage de pellicule aux logiciels de montage, ce métier a connu des révolutions.
Aux côtés de Philippe Akoka*2 et de chefs monteurs comme Hervé Schneid, elle a vite pu travailler pour des cinéastes qui étaient ses modèles. Très tôt inspirée par les films de Jean-Pierre Jeunet, son rêve s’est concrétisé en participant aux succès du Fabuleux destin d’Amélie Poulain en 2000 ou d’Un long dimanche de fiançailles en 2004. Elle obtient son premier poste en tant que chef monteuse en 2006 sur U, un long métrage d’animation de Serge Elissade et Grégoire Solotareff. Peu à peu, elle étaye sa palette de compétences.
Depuis le tournage en 2007 dans le Lubéron de The good year de Ridley Scott où elle assistait Dody Dorn, elle souhaitait approcher le monde rural. En 2010, avec son compagnon vigneron, ils choisissent de s’installer au soleil dans un paysage vallonné près de Montpellier. Elle a réussi à entretenir ses contacts parisiens pour continuer à travailler, surtout dans la fiction.
Contactée par le producteur ou le réalisateur, avec lesquels un rapport de confiance est primordial, elle effectue son travail avec le même engouement à chaque projet. Pour faire du montage, il est essentiel de comprendre et de se projeter dans les ambitions d’un metteur en scène. De l’écriture au montage, les désirs du réalisateur changent, parfois indépendamment de sa propre volonté. Avec son expérience et son caractère, la chef monteuse rebondit sur ces besoins successifs. Les choix de plans et de construction des séquences nés de la collaboration entre le monteur et le réalisateur, donnent une direction spécifique au film. Le but est d’emmener le spectateur à s’interroger et à ressentir les bonnes émotions aux bons moments. Les questions de rythme sont capitales.
Céline Kélékipis préfère travailler les séquences au plus près de ce qu’elles seront in fine dès le premier montage afin de voir le film pour la première fois déjà bien modelé. Elle s’inspire de la musique, qui est un élément de narration important, et considère que le doute est constructif pour choisir de bonnes solutions de montage. Elle aime se fondre dans différents univers et un des aspects qu’elle adore est de chercher dans les rushes*3 les subtilités qui apporteront au film monté une qualité supérieure à celle escomptée.
Le montage ne se fait pas toujours après le tournage. Il lui arrive de commencer son travail parallèlement, ce qui lui permet d’appréhender plus vite les directions de montage souhaitées par le réalisateur. Ce n’est pas « l’ambiance tournage » qui l’intéresse alors mais plutôt la possibilité des échanges avec des professionnels qu’elle ne rencontre pas forcément à son poste, c’est la possibilité de sentir un autre moment de la création dans une aventure collective.
Avant de débuter le montage d’un film, elle se questionne toujours sur son énergie, sur son inventivité et se lance dans un travail de patience et de passion pour parvenir à utiliser les plans au mieux afin d’obtenir le meilleur film possible.
Source : Fabriquants de films